09 mars 2022
Une journée dans la peau d'une docteure Rêves
Quelle est la routine matinale de la docteure Rösli Chöl ? Et à quoi pense-t-elle lorsqu’elle franchit la porte d’une chambre d’hôpital ? Pour le savoir, nous avons accompagné, le temps d’une journée, l’artiste Ines Rosa Blarer et son alter ego, la docteure Rösli Chöl (« choux de Bruxelles »).
Il est tôt. La docteure Rösli Chöl (prononcez « reusli reul ») ronfle paisiblement dans son lit. Soudain, une patte poilue lui caresse la joue. C’est le chat Frankie ! Le matou trouve qu’il est grand temps de se lever. Pleine d’élan, Rösli Chöl pose d’abord la jambe gauche par terre, cela porte bonheur, puis enchaîne 13 pirouettes avant d’ouvrir la fenêtre et de saluer l’univers en yodlant. Sa vache, sa chèvre, son chien Goldie et même le cerf lui répondent d’un hochement de tête.
Rösli Chöl enchaîne 13 pirouettes avant d’ouvrir la fenêtre et de saluer l’univers en yodlant.
Toujours de bonne humeur, Rösli Chöl se précipite ensuite dans le jardin, une grosse tasse de thé à fleurs à la main, et donne à manger aux animaux, arrose les plantes et discute avec tout ce petit monde. Ils parlent tous en même temps, c’est un véritable festival ! Frankie lui rappelle enfin qu’il est l’heure de se mettre en route pour sa visite aux enfants. Elle enfourche alors son vélo vert pomme, décoré de roses, et fonce à l’hôpital. La docteure Rêves n’a plus le temps de déjeuner. Peu importe : dès que Rösli Chöl entend les rires des enfants hospitalisés, la sensation de faim est comme volatilisée.
Réveil côté Rosa
Le rituel matinal d’Ines Rosa Blarer, artiste à la Fondation Théodora, est un peu différent. Depuis trois ans, elle arpente la clinique pour enfants et adolescents de l’Hôpital cantonal d’Aarau, sous les traits de la docteure Rêves Rösli Chöl. « Lorsque je rends visite aux enfants, je prends mon temps pour bien débuter la journée. Je tiens à être parfaitement éveillée », précise-t-elle.
Après une bonne douche, une séance de méditation ou parfois une petite danse à travers la salle à manger, elle prend le train pour Aarau. À l’hôpital, Rosa rejoint pour le dîner ses collègues docteurs Rêves qui l’accompagnent ce jour-là.
Quand Rosa devient Rösli
C’est dans le vestiaire qu’a lieu la transformation : quitter ses vêtements ordinaires, enfiler des leggins verts, la jupe en tulle et le tablier parsemé de roses. Sans oublier la blouse de docteure Rêves rehaussée d’une élégante ramure de cerf. Maintenant, quelques roses dans les cheveux et sur le masque – et voilà ! Couche après couche, Rosa se métamorphose en Rösli. « Le costume est essentiel pour moi. Pour une grande part, je suis toujours Ines Rosa. Mais avec la blouse de docteure Rêves, je me sens tout à coup devenir dre Rösli Chöl », commente l’artiste.
Ensuite, Rösli Chöl remplit ses poches de surprises et d’objets bien pratiques. Une paille pour faire des bulles de savon, une petite vache en bois, une salière qui couine ou encore une cloche de vache font partie des grands classiques. Elle a aussi un mètre ruban dont elle se sert pour faire toutes sortes d’analyses : mesurer le temps, l’âge d’un enfant ou savoir jusqu’à quand on peut encore rester dans une chambre. Trop pratique !
Ambiances diverses et art de l’improvisation
Arrivée au service de pédiatrie, l’équipe d’artistes reçoit les principales informations au sujet des patients présents ce jour-là. Et la tournée peut commencer ! C’est tantôt ensemble, tantôt seuls, que les docteurs Rêves entrent dans les chambres des enfants. Que ressent-on à ce moment-là ? « C’est toujours un peu différent. Nous ne savons jamais à quoi nous attendre, nous n’avons aucun contrôle. J’aime cette incertitude. Tout est possible. Mais il faut être entièrement disponible, sinon cela ne prend pas. La routine, c’est l’horreur », s’exclame Rosa.
L’ambiance dans une chambre dépend de facteurs aussi différents que l’humeur des docteurs Rêves, celle du jeune patient, de ses parents, de ses frères et sœurs ou encore du personnel, mais aussi du moment de la journée. Pour la dre Rösli Chöl, l’important est de savoir s’adapter. Avec beaucoup de tact et grâce à son sens de l’improvisation, la dre Rêves se concentre sur l’enfant et ses besoins durant le moment présent. La plupart du temps, Rösli et l’enfant ne se connaissent pas, et c’est tant mieux ! Car ici, à l’Hôpital cantonal d’Aarau, la majorité des enfants reste moins d’une semaine.
Arrivée au service de pédiatrie, l’équipe d’artistes reçoit les principales informations au sujet des patients présents ce jour-là. Et la tournée peut commencer ! C’est tantôt ensemble, tantôt seuls, que les docteurs Rêves entrent dans les chambres des enfants. Que ressent-on à ce moment-là ? « C’est toujours un peu différent. Nous ne savons jamais à quoi nous attendre, nous n’avons aucun contrôle. J’aime cette incertitude. Tout est possible. Mais il faut être entièrement disponible, sinon cela ne prend pas. La routine, c’est l’horreur », s’exclame Rosa.
L’ambiance dans une chambre dépend de facteurs aussi différents que l’humeur des docteurs Rêves, celle du jeune patient, de ses parents, de ses frères et sœurs ou encore du personnel, mais aussi du moment de la journée. Pour la dre Rösli Chöl, l’important est de savoir s’adapter. Avec beaucoup de tact et grâce à son sens de l’improvisation, la dre Rêves se concentre sur l’enfant et ses besoins durant le moment présent. La plupart du temps, Rösli et l’enfant ne se connaissent pas, et c’est tant mieux ! Car ici, à l’Hôpital cantonal d’Aarau, la majorité des enfants reste moins d’une semaine.
Pour briser la glace, la dre Rösli Chöl se sert parfois des petits objets qu’elle a glissés dans sa blouse. Rosa précise toutefois : « L’interaction m’importe plus que les accessoires. Je joue aussi volontiers avec ce qui se trouve dans la chambre. » Cela peut être un rideau qui lui permet de se déguiser en fantôme. Ou la télécommande du lit qui devient un téléphone portable. C’est aussi très facile de jouer à cache-cache ou de confondre les portes : « Lorsque je quitte la chambre, j’ouvre parfois la porte de l’armoire au lieu de la porte de la chambre. Ou celle des WC. »
« Notre mission est d’apporter un peu de légèreté dans le quotidien des petits patients. »
Ines Rosa Blarer, alias dre Rösli Chöl
Retour au quotidien
Et face aux situations qui nous touchent plus qu’on ne le voudrait ? « Bien sûr, il y a aussi des moments tristes. Avant et après, mes pensées me ramènent souvent à l’enfant. Mais sur le moment, je dois les éclipser. Notre mission est d’apporter un peu de légèreté dans le quotidien des petits patients. » Et si les artistes ont quand même quelque chose sur le cœur, ils peuvent le partager avec leurs collègues docteurs Rêves, le personnel soignant, mais aussi lors de réunions de supervision organisées par la Fondation Théodora.
Dans les vestiaires, une fois leur tournée terminée, les docteurs Rêves échangent parfois leur ressenti sur les visites effectuées et font un bilan de leur après-midi. Après s’être démaquillée, changée et désinfectée, Rosa revient petit à petit à son quotidien.
Et Rösli Chöl ? Portée par les rires des enfants, elle reprend son vélo et rentre chez elle. De très loin déjà, ses animaux lui font de grands signes dès qu’ils l’aperçoivent. Après les avoir salués, Rösli Chöl n’a qu’une idée en tête : se servir un grand bol de sa recette spéciale à base de… choux de Bruxelles.
- Voilà 3 ans qu’Ines Rosa Blarer se rend à l’Hôpital cantonal d’Aarau sous les traits de la dre Rösli Chöl.
- 3 docteurs Rêves se donnent rendez-vous ici tous les mercredis pour égayer les enfants.
- Depuis janvier 2022, Ines Rosa fait également ses tournées de docteure Rêves au Centre de réhabilitation pour enfants et adolescents d’Affoltern am Albis.
Texte: Patrizia Brosi | Photos: Eliane Dürst, Matthias Jure, Damian Seiler