Rêves d'urgence

Une sirène d’ambulance retentit au loin. Des parents font la queue à l’accueil. Des soignants se pressent dans les couloirs. Un enfant pleure. Ce sont des scènes typiques d’un lundi soir aux urgences pédiatriques de l’hôpital cantonal d’Aarau. Il est 18h, les cabinets des pédiatres sont fermés, l’afflux aux urgences est donc d’autant plus grand. Pourtant, quelque chose ne cadre pas avec le décor. En effet, des bulles de savon scintillantes flottent dans les airs et de joyeux rires d’enfants résonnent dans la salle d’attente.

Une grenouille aux urgences

Guapo la grenouille, la marionnette du docteur Rêves Hüpf, regarde avec curiosité à travers les portes vitrées de la salle d’examen. Noa, deux ans, est tout de suite attiré par cette distraction bienvenue. Et lorsque Guapo et dr Hüpf entrent dans la pièce, le petit garçon fait tout de suite rouler sa voiture de pompier en direction du duo pour établir un contact. Il est visiblement content de l’animation que lui propose l’artiste de Théodora. À l’aide d’un mini ventilateur, dr Hüpf envoie des bulles de savon en direction de Noa, qui est tout heureux de les faire éclater entre ses mains. Son rire communicatif s’entend jusque dans le couloir des urgences.

L’artiste réalise aussi quelques tours de magie pour Lorena, 15 ans, afin de l’aider à patienter et à oublier qu’elle a très mal au ventre. Il fait par exemple disparaître une boule en mousse derrière l’oreille de la jeune patiente, puis la fait réapparaître dans sa main. Dr Hüpf semble aussi à l’aise avec les enfants en bas âge qu’avec les adolescents, ce que confirme Ramona Kaiser, infirmière à l’hôpital pédiatrique:

Sens de l’improvisation

Depuis près d’un an, un docteur Rêves de la Fondation Théodora passe une soirée par semaine aux urgences pédiatriques d’Aarau où il détourne l’attention des enfants en leur proposant des moments de distraction. Ce soir-là, c’est le docteur Hüpf qui est de service. Contrairement aux visites traditionnelles des docteurs Rêves, ici les artistes de Théodora ne savent ni quels enfants ni quelles pathologies ils vont rencontrer. Plus que jamais, leur sens de l’improvisation est essentiel.

Durant la soirée, le dr Hüpf aura à plusieurs reprises l’occasion de montrer combien il maîtrise cet art subtil. Le docteur Rêves est par ailleurs équipé d’un téléphone de l’hôpital. Il peut ainsi être joint à tout moment par le personnel médical, pour des besoins particuliers. Cela peut être le cas pour une prise de sang, une piqûre ou encore lors de la pose d’un plâtre,

Dans un service aussi sollicité que celui des urgences pédiatriques, l’aide des docteurs Rêves est très appréciée, comme l’explique Patrick Haberstich, médecin-chef au service d’urgence pédiatrique de l’hôpital pour enfants d’Aarau: « Le grand professionnalisme des docteurs Rêves leur permet de juger avec justesse à quel moment il est bon de rester avec l’enfant, comment l’accompagner et à quel moment il est de temps de se retirer. » De même, il souligne l’intérêt de faire appel aux docteurs Rêves lors de traitements douloureux: « Des études ont démontré que lorsque l’attention de l’enfant est accaparée par autre chose, il a moins mal et a besoin de moins d’antidouleurs. Nous veillons dans ces cas-là à ce que les docteurs Rêves puissent être aux côtés de ces enfants dès le début de la prise en charge. »

De joyeuses retrouvailles

Dans l’intervalle, la zone d’attente réservée aux urgences s’est bien remplie. Petits et grands rient de voir Guapo tirer littéralement le dr Hüpf dans leur direction. Un jeune garçon semble affectionner, plus que les autres, ce joyeux spectacle. Malgré la douleur causée par la piqûre d’un frelon asiatique, Levi, 6 ans, dit bonjour au dr Hüpf comme à un vieil ami. En effet, le jeune garçon a fait la connaissance des docteurs Rêves lorsqu’il a séjourné à l’hôpital pour se faire retirer les amygdales. À cette époque déjà, il appréciait beaucoup la distraction que lui offraient les visites des doc-teurs Rêves

Pendant ce temps, dr Hüpf fait honneur à son nom (« Hop » en français) en sautant dans le couloir de l’hôpital, pour le plus grand bonheur des petits patients qui l’exhortent à sauter toujours plus haut. Jusqu’à ce qu’il finisse par se cogner théâtralement la tête contre une fenêtre ouverte, ce qui déclenche un fou rire général chez son jeune public.

Des sons apaisants

Si cette animation dynamique était indiquée dans la zone d’attente, c’est désormais la douceur de quelques notes de musique qui convient le mieux pour Dion, 2 ans, qui est admis en salle d’examen. Le petit blessé a joué avec un spray au poivre trouvé sur une aire de jeux et s’en est mis dans les yeux, lesquels ont viré au rouge. Le garçon et sa mère attendent l’arrivée du médecin.

Grâce à sa grenouille Guapo, aux bulles de savon et à une douce chanson accompagnée au ukulélé, dr Hüpf parvient à apaiser la douleur de l’enfant pour quelques minutes. Puis, le docteur Rêves lui confectionne un petit bonhomme avec un gant en latex, avant de lui dire au revoir de la main. Car oui, de nouveaux patients attendent déjà le dr Hüpf et Guapo dans les autres salles d’examen.

Dans le cadre de ce reportage, nous avons demandé à Ramona Kaiser, infirmière à l’Hôpital cantonal d’Aarau, comment elle perçoit la présence des artistes au service des urgences.