Derrière le même objectif, 30 ans après

En 1993, alors jeune photographe, Christian Rochat réalisait pour la première fois une série de prises de vue en noir et blanc des docteurs Rêves, au Centre hospitalier universitaire vaudois. Trois décennies plus tard, le photographe âgé de 63 ans a une nouvelle fois immortalisé d’inoubliables moments avec les docteurs Rêves lors d’une visite à l’Hôpital de l’île de Berne.

Rendez-vous à l’Hôpital de l’Île, à 10h30. Christian Rochat sait qu’aujourd’hui les visites n’ont lieu qu’à 13h, mais il souhaiterait, au préalable, se familiariser avec les lieux et les différentes unités de soins. On sent une légère nervosité. Trente années se sont tout de même écoulées depuis sa dernière visite auprès des docteurs Rêves. Qu’est-ce qui a changé ? Comment les enfants vont-ils réagir ? Quelle sera l’ambiance ? Toutes ces questions tourbillonnent dans la tête de Christian.

À 12h30, quatre artistes viennent le chercher. Ensemble, ils se rendent dans les vestiaires où le photographe prend les premiers clichés de la transformation en docteur Rêves. Quelques minutes plus tard, dre Tante Flora, dr Leberwurst, dre Hahallo et dr Hatschi sont fin prêts pour leur visite. Le groupe se divise et l’on se rend d’abord en néonatologie avec dre Tante Flora et dre Hahallo. Dre Tante Flora commence à chuchoter et invite aussi Christian à parler plus doucement. L’infirmière informe les docteures Rêves qu’aujourd’hui est une journée difficile et que beaucoup de mamans souhaitent se reposer. À ce sujet, Christian a une ligne de conduite claire et ne prend des photos que si cela ne dérange personne : « Ça fait partie de mon métier. Je respecte chaque situation, même s’il y a encore de si belles photos à faire. »

Un spectacle de trapèze pour rompre l’ennui

En route maintenant pour la pro-chaine unité de soins. Dre Tante Flora joue sur son ukulélé et dre Hahallo entre dans la chambre en dansant. Soudain, Tante Flora sort un ruban imaginaire de son sac et le fixe d’un mur à l’autre. En quelques minutes, ce ruban se transforme en corde de trapèze. Les deux artistes manquent de perdre l’équilibre et se balancent un peu maladroitement sur la corde. En guise d’applaudissement, un rire chaleureux s’élève parmi les petits patients, mais aussi parmi les parents et les grands-parents, en visite ce jour-là. Enthousiasmé, Christian en vient à plaisanter : « Mon appareil photo immortalise même des choses qui n’existent pas vraiment. »

En chemin vers la prochaine unité de soins, Christian, dre Hahallo et dre Tante Flora parcourent un long couloir. Soudain, une sonnette retentit. Tout le monde se regarde avec perplexité. La sonnette se rapproche. Qu’est-ce que ça peut être ? Deux infirmières pédiatriques passent à vélo et font un signe de la main à l’équipe, toute surprise. De cette façon, le person-nel hospitalier garde la forme tout en gagnant du temps. Christian le sait parfaitement : il s’agit à nouveau de l’un de ces moments particuliers qu’il faut absolument immortaliser. Et c’est avec un franc sourire qu’il appuie sur le déclencheur.

Une immersion très particulière

Dans l’unité de soins suivante, Chris-tian rencontre dr Hatschi sur le point de rendre visite à Alessia, 5 ans, venue contrôler son bras foulé. Dr Hatschi frappe à la porte et demande s’il peut entrer. Alessia attend avec impatience. Ensemble, ils plongent dans un uni-vers sous-marin riche en couleurs, dans lequel un poisson magique a pour mission importante d’éclater toutes les bulles d’air de l’océan. Christian est aux anges de pouvoir vivre cette immersion si particulière.

Des tours de magie sur mesure

Christian se rappelle que les docteurs Rêves adaptaient déjà en 1993, au tout début de la Fondation Théodora, leurs visites en fonction de l’état de santé et de l’âge de chaque enfant. À l’image du dr Leberwurst qui vient de jouer de l’accordéon pour les bébés et qui maintenant, au service des urgences, suscite l’émerveillement du jeune Remo, 14 ans, avec un tour de magie époustouflant. Le suspens monte pour Remo : l’eau va-t-elle disparaître dans le journal ou va-t-il être tout mouillé ? Finalement, l’eau disparaît ! Christian aussi est ébahi. Curieux, il demande au dr Leberwurst comment il a fait cela. Mais il n’en saura rien : secret d’artiste.

À 17h, le photographe et les quatre docteurs Rêves regagnent les vestiaires. Pour Christian, cela aura été, une fois encore, un après-midi inoubliable au sein de l’hôpital. Une fois de plus, il passe en revue toutes les émotions et pensées : « Même si les hôpitaux se sont modernisés, la mission de la Fondation est restée la même. Chers docteurs Rêves, il y a 30 ans déjà, vous faisiez preuve d’un grand professionnalisme. Depuis, vous continuez d’exercer ce métier hors du commun avec discipline et sollicitude. Les enfants vous adorent. » La journée de travail se termine pour tous. Christian prend congé des artistes et du personnel soignant. Reviendra-t-il bientôt ? C’est fort probable.